C'est étrange comme certaines histoires résonnent.
Comme certaines traversent les temps.
Les religions évoluent.
Mais les histoires restent.
Elles ne bougent pas.
Elles sont fixes.
Les contes en sont la preuve...
Mes parents aimaient particulièrement le conte d'Alice aux pays des merveilles.
Je pense que cette histoire leur rappelait ce pourquoi Asellus existait.
L'existence de ces portails mystérieux.
Amenant vers l'inconnu.
Où tout est encore à découvrir.
Je crois que ma mère voulait devenir une Alice.
Qu'elle souhaitait que j'en devienne une, à mon tour.
Mais je ne veux pas être Alice.
La reine de cœur m'a tranché la tête.
Écorchée.
Elle a retenu prisonniers ceux qui m'étaient chers.
Et j'ai beau crier.
J'aurai beau pleurer.
Rien n'y changera.
J'ai perdu.
Alice ne rentrera plus.
Elle s'est perdue.
Dans un terrier sombre.
Ou de l'autre côté du miroir.
20 termitan 583
La caserne de la Garde Sacrée était bien calme ce matin-là. Pas un bruit ne résonnait dans les couloirs de la garnison. C'était un grand jour. Non pas pour la Garde entière, mais pour un seul homme : le colonel Obremont. Il avait insisté sur le fait qu'il ne voulait entendre qu'un seul son en ce jour et que quiconque briserait le silence aurait affaire à de lourdes sanctions dont il serait le superviseur. Chacun savait qu'il ne rigolait pas. Obremont était un homme de parole, mais cela n'était pas dans ses habitudes d'être aussi autoritaire et c'était pour cela qu'il était respecté de tous. Cet homme était réputé pour sa générosité, son humour et son grand sens de l'honneur. Il aimait mettre les officiers de bonne humeur et les considérait comme sa seconde famille : il était très apprécié.
Tournant en rond dans son bureau, il attendait, impatient. Il s'était déplacé jusqu'à son lieu de travail en bon colonel. Sait-on jamais qu'un imbécile vienne à créer un problème en ce jour bénit de l'autre côté d'un portail. Et si cela devait se produire, il ne promettait pas d'être compréhensif. C'était un jour qui paraissait comme les autres, mais lui l'avait tant attendu. Neuf années. Puis neuf mois. Ce fut long. Très long. Il allait enfin devenir papa. Son cœur battait la chamade. Et s'il se réveillait ? Que tout cela n'avait été qu'un rêve ? Non ! Il avait bel et bien tanné tous ses collègues au travail en leur racontant tous les moments de la grossesse. Sa femme l'avait bel et bien cogné plusieurs fois en lui disant qu'il prenait trop de risque inconsidéré à cause de son travail. Il lui avait lui-même demandé d'arrêter d'aller au travail parce qu'elle y mettait trop d'énergie. Non. Tout cela était bel et bien réel. Alors il attendait qu'on l'appelle. Il attendait de pouvoir rejoindre sa bien-aimée pour lui tenir la main. Il voulait les voir. Toutes les deux. La première chose qu'il voulait entendre de la journée, c'était sa femme qui le rassurerait.
Tout va bien se passer. Il ne voulait rien entendre d'autre.
L'officier qu'il avait envoyé auprès de sa femme revint vers les douze coups qui sonnaient midi. Il pouvait quitter son service. Alors il courut comme un fou pour la rejoindre.
Tout va bien se passer. Tout alla pour le mieux. Il manqua de s'évanouir. De peur. De bonheur. De stress. Heureusement, Astrée lui permettait de restait debout. Au final, il avait beau être colonel, c'était elle la meneuse, la plus courageuse.
Auguste, je te présente Azalée...
L'an 588
Azalée suivait sa mère partout, même dans les zones interdites d'Asellus. Elle avait reçu un laissez-passer. Astrée était une éminente chercheuse de runes et sa fille semblait avoir une certaine intuition pour son jeune âge. C'était comme si elle savait. Comme si elle voulait amener sa mère sur les traces du savoir. Ce n'était, bien sûr, que des coïncidences, mais finalement, la petite avait eu droit à son heure de gloire dans le centre de recherche.
A la caserne, tous travaillaient durs et Auguste, devenu papa poule, parlait régulièrement de sa fille. Surtout à une jeune recrue qu'il prit sous son aile : un certain Arthorias. Il voyait tous ses subordonnés comme des amis, mais il eut un véritable coup de cœur sur ce gamin demi-nain. Dès lors, il l'invita régulièrement chez lui. Très vite, il devint tel un membre de la famille.
Durant cette année, Astrée fit d'innombrables découvertes plus enrichissantes les unes que les autres. Elle finit par intégrer les chefs d'équipe et elle fut amenée à se rendre dans les ruines du temple d'Asellus. Cet endroit était baigné dans une atmosphère étrange. Les runes étaient bien différentes de celles qui étaient utilisées sur les portails reconstruit. De nombreuses statues représentant les Divinités se dessinaient sur les murs. Le mot qui venait à l'esprit de la dame était simplement
magique.
Reste assise ma chérie. Ne touche à rien.
La gamine était obéissante. Aujourd'hui encore, elle ne se rappelle pas avoir bougé. Pourtant, c'est un fait. La petite ne sut pas rester en place. Elle alla caresser l'une des figures divines qui s'illumina et laissa apparaître un étroit couloir dans lequel la petite s’engouffra. Heureusement, Astrée la rattrapa. Elle aurait aimé s'énerver, mais ce qu'elle découvrit n'était autre qu'un des secrets enfuis d'Asellus.
Tout en bas de cette volée d'escaliers en colimaçon, se trouvait un portail. Un portail bien plus grand que ceux qui étaient empruntés dans le phare. Les symboles qui le recouvraient étaient encore bien plus étranges que ceux connus. Tout laissait à penser qu'il s'agissait d'un nouveau genre de passage. Se trouvait là une découverte sans précédent que seule une enfant aurait pu ouvrir de sa curiosité innocente. C'était le premier engrenage qui annonçait un conte loin d'être parfait.
Vifgivre 597
Après sa découverte, Astrée s'était à nouveau plongée dans ses études. Elle voulait absolument remettre en marche le portail qu'elle avait découvert. Il lui fallut un peu moins de dix ans pour y parvenir. Sa vie de famille, elle l'avait quelque peu mise de côté. Elle aurait tellement d'années après cela à pouvoir en profiter. Ce portail était sans nul doute une véritable richesse et devait renfermer tant de nouvelles possibilités. Elle ne pouvait passer à côté. Sa fille comprendrait et elle se savait aimer de son mari qui avait toujours cru en elle.
Azalée était fière de sa mère. C'était certain. Cependant, elle aurait aimé un peu plus de reconnaissance de sa part. Plus d'accolades. Plus de tendresse. Mais elle s'y était habituée. Elle avait les livres pour lui expliquer comment utiliser la lithomancie. Ce n'était pas aussi évident que si sa mère lui avait expliqué, mais elle s'appliquait à la tâche afin de montrer ses progrès à Astrée lorsqu'elle revenait dans sa demeure. Il lui arrivait de la corriger, de lui remontrer, cela leur permettait de garder un lien assez soudé même si ce n'était pas assez. Elles s'en contentaient.
Tu vas y arriver. Toi aussi. Des murmures avant de s'endormir. Des encouragements qui faisaient du bien. L'agréable sensation d'être soutenue quoi qu'il se passe.
Encore quelques jours et ce fut terminé, tout était là sous ses yeux. Le portail pouvait être ouvert et testé, mais avant, il fallait mettre en place une équipe d'expédition. Il lui faudrait un mois pour tout préparer correctement.
14 sombrétoile 597
C'était l'heure fatidique. Le portail était prêt. L'expédition avait été préparée avec soin. L'équipe serait menée par Astrée, elle-même, suivie par une dizaine de chercheurs et une dizaine de gardes sacrés avec à leur tête Auguste. Celui-ci chargea deux de ses hommes de garder l'entrée du portail pour éviter tout problème extérieur. Le couple était prêt à mettre le pied dans cette grande découverte.
Le portail fut ouvert.
Un pas.
Deux pas.
Ils disparurent dans l'entre tourbillonnante.
Une minute.
20 minutes.
Une heure.
Trois heures.
Une journée.
Deux jours.
Et un craquement. Des étincelles. L'horloge s'emballa. Les engrenages se disloquèrent. La pierre s’effrita. Un fracas. Puis le silence. Un bourdonnement dans les tympans. Le portail s'était arrêté. Ce fut la fin.
Ils sont perdus. Mais où ? Les gorges étaient serrées. Ils venaient de perdre de bons éléments autant pour les chercheurs que pour la garde. Comment annoncer cela ?
Arthorias n'avait rien compris. Il n'aurait jamais cru ça. Il venait de perdre un mentor. Un ami. Des amis. Il se sentait démuni. Il s'agissait d'une véritable catastrophe. Et puis ses pensées se tournèrent vers Azalée. Elle venait de tout perdre et ne le savait pas encore.
La jeune fille attendait sagement. Le regard fixé sur le phare. Elle savait que les expéditions pouvaient durer quelque temps et pourtant, elle avait un mauvais pressentiment. Comme une impression de déjà-vu. Lointain. Comme la sensation d'avoir oublié quelque chose. Par la fenêtre, elle vit apparaître une silhouette qu'elle connaissait. Courant à vive allure. En une fraction de secondes, elle comprit. Elle savait.
Ne viens pas ici. Je t'en conjure.
Pas ici.26 primaube 600
Le monde continua de tourner. Il ne s'était pas arrêté. Pourtant, Azalée avait l'impression que son univers était dévasté. Cela faisait un peu plus de deux ans maintenant. Elle fut soutenue. Choyée par ceux qu'elle côtoyait, mais cela ne suffisait pas. Le vide était énorme. Elle tenta de comprendre. Elle voulait les ramener. Continuant de s'entraîner à utiliser la lithomancie. Elle avait perdu goût, mais elle ne s'arrêta pas. Elle avait même demandé à devenir une investigatrice. Elle était sans nul doute l'une des plus jeunes demoiselles à avoir obtenu son attestation. Alors, elle décida de chercher, elle fouillerait chaque parcelle de terre pour y arriver. Elle aura toute la vie devant elle. Alice y avait voué son existence. Elle comptait en faire de même. Asellus. Tes secrets seront découverts.